publié ici dans sa version originelle, bug jargal est le premier roman de victor hugo, qu'il a écrit à l'âge de seize ans.
il y relate la révolte, en 1791, des noirs de saint-domingue et y dénonce l'esclavage. ce texte à résonance sociale contient déjà en germe l'oeuvre future de victor hugo. il constitue aussi un précieux témoignage sur la vie et les préoccupations d'un adolescent de génie. c'est ce que souligne françois graveline dans la présentation de cet ouvrage, le premier d'une série de textes anciens choisis par des écrivains contemporains.
Lors d'un voyage en train, dans un pays européen qui n'est pas le sien, un auteur voit le passager qui s'installe face à lui se plonger dans un de ses livres.
Coïncidence ? Silence, la queue du chat balance...
N'était-ce pas plutôt inscrit, voire déjà écrit ?
Le narrateur interroge l'auteur qui devient personnage, et, par petites touches, comme dans un jeu, se déploient les mille et une variations d'une histoire indémêlable :
Celle des relations de l'auteur à ses oeuvres et à leurs traductions, de la réalité au conte et à la fiction, de l'écriture à la lecture...
C'est un joyeux dédale, du même type que D'une bibliothèque l'autre, « merveilleux petit livre » selon son préfacier Alberto Manguel, alter ego d'Enis Batur.
" qui voudra jamais épouser une négresse ? " ces mots foudroient ourika, silencieuse derrière un paravent.
elle a douze ans, c'est d'elle qu'on parle avec inquiétude. jusque-là, rien ne l'avertissait que sa peau noire pourrait l'empêcher d'être aimée. sauvée enfant de l'esclavage, la petite sénégalaise avait été confiée à une aristocrate française qui l'élevait comme son petit-fils. un frère, plus qu'un frère pour ourika qui, soudain, se voit " condamnée à être seule, toujours seule ". la narration sous la forme d'une longue confession confère à ce premier roman magistral de madame de duras une étonnante modernité quand il paraît en 1823.
d'autant que, sur un mode mineur qui le rend percutant, il aborde de front la question, déjà vive, de la ségrégation raciale. cette modernité perdure.
Comment vivre séparée de la langue de son père ? Cette question, lancinante pour Leïla Sebbar, est au coeur cet essai littéraire qui, paru il y a dix ans, reçut les éloges de la critique, connut un grand succès et fut vite épuisé. Sa réédition s'imposait.
Connaît-on bien Louise Michel ? La célèbre communarde, la fameuse anarchiste, la Grande Citoyenne (1830-1905), oui. Mais l'écrivain et l'"artiste en révolution" ? L'inventrice du "clavier d'outre-rêve", d'un méga-orgue, d'une harpe aux nerfs vivants, de concerts cosmogoniques, l'amie du symbole et du frisson ? Mais l'Insurgée immergée dans l'art total, qui veut recréer le monde et la beauté, synonyme pour elle de révolution, antithèse du politique ? Puisant à des sources méconnues, s'appuyant sur des textes et images inédits, Claude Rétat, au rebours des clichés réducteurs, nous ouvre un point de vue neuf sur Louise Michel chez qui le rêve et l'action, l'artiste et la révolutionnaire ne font qu'un : l'histoire et l'imaginaire entrent en résonance.
Préfacé par la romancière Leïla Sebbar, il se compose d'un texte de Bruno Vercier, un éclairage sur l'enjeu central de l'enfance dans le parcours de Pierre Loti, sur son enracinement non seulement en France mais aussi dans les lointains, notamment orientaux, et sur ses di. érentes facettes d'écrivain (autobiographie, journal, roman, récit de voyage) ; d'un portfolio d'une trentaine de dessins d'enfance de Pierre Loti, dûment présentés par l'auteur, des dessins qui confi nent pour certains au fantastique et révèlent déjà des visions romantiques ; d'extraits de textes de Loti sur le thème de l'enfance, tirés notamment de son journal, du Roman d'un enfant et d'autres de ses titres.
Une trentaine de chroniques écrites pour la presse européenne entre 1983 et 2018, évoquant la politique intérieure turque, des violences d'Etat à la censure en passant par la négation des minorités ou l'islamisation.
Le dernier livre de Pierre Loti, sans doute le plus poignant, nourri de ses ultimes voyages à Constantinople, en 1910 et 1913. " Je regarde finir l'été, finir l'Orient, finir ma vie ; c'est le déclin de tout... " Et Loti se fait " le champion de la cause turque, du maintien du Croissant sur les rives du Bosphore ". Quitte à s'égarer lorsqu'il s'en prend aux Arméniens, aux Bulgares, à " la Grécaille ". Mais s'égare-t-il quand il préconise de " tendre la main à l'Islam qui nous a fourni sans marchander tant de milliers de braves combattants " ?
" De même que les hommes qui ont le goût peuvent envahir la cuisine, les femmes qui y sont instinctivement poussées doivent pouvoir s'occuper de politique. " Signé Hubertine Auclert (1848-1914), que l'histoire retient comme " la suffragette française ". Et pour cause : le vote, pour elle, est la clé de voûte de tous les autres droits. Mais la suffragette se veut une " féministe intégrale ", elle est l'une des rares à revendiquer l'égalité entre les hommes et les femmes sur tous les plans : au travail, devant l'impôt, dans la famille et le mariage, en Algérie... Elle fait toujours par des actions " coup de poing " et en usant, dans ses discours, adresses et écrits, des armes du droit et de la logique. Une logique peu souvent prise en défaut chez cette militante singulière et solitaire, dont " la radicalité, la clarté et la rigueur peuvent encore nous accompagner dans nos réflexions ", écrit Geneviève Fraisse.
Nouvelles et récit de Leïla Sebbar Journal d'un appelé (1961-1962) de Jean-Claude Gueneau Contes des Hauts Plateaux recueillis par Nora Aceval Je ne connais pas Aflou, où j'ai si peu habité après que « Mademoiselle » m'y a mise au monde.
Mais Aflou, djebel Amour, sur les Hauts Plateaux algériens, m'habite.
C'est la mémoire et les images des autres, rencontrés dans les livres et lors de mes pérégrinations, qui tissent mes histoires d'Aflou. Depuis Isabelle Eberhardt jusqu'à la libération algérienne.
Je reviendrai à Aflou.
Leïla Sebbar
au nom du père, du fils.
ils portent la main au front, au plexus, au ventre. ils ne savent plus le signe qu'on doit faire pour qu'à la fin il en soit ainsi et que tout soit bien. ils sont bras ballants, au bout de chaque bras, un poing fermé. ils se remettent à la mésentente comme on se met à table, avec appétit, goulûment. ils s'empoignent, se rejettent l'un l'autre la faute, ils accusent le ciel, les chiens, mac cornick et masssey-ferguson, la voisine, le destin, leur vie et son train.
ne les plaignez pas, ils s'en chargent.
Comment vivre séparée de la langue de son père, l'arabe ? Leïla Sebbar témoigne de son obstination d'écrivain face à cette question pour elle lancinante, depuis l'Algérie coloniale, où elle est née d'un père algérien et d'une mère française, jusqu'à Paris, où elle écrit son père dans la langue de sa mère.
La réédition, revue par l'auteur, du premier texte, un bref roman, de Rosie Pinhas-Delpuech, paru en 1998. Son histoire d'amour, une nuit d'insomnie, avec Yaakov Shabtaï (1934-1981), dont elle traduit de l'hébreu Pour inventaire au début des années 90. « Le père de Goldman est mort, était mort, mourait, pendant que, tandis que, alors que Goldman se suicidait, s'est suicidé, se suicida. » Un corps à corps avec lui, ses mots, ses fulgurances, qui la conduit à elle, à ses langues, français, turc, hébreu, à sa voix. Elle se traduit, traduire c'est écrire. Elle retrouve la mélodie douce et triste de son enfance, « une petite musique unique, chacun a la sienne, quand on la perd on est perdu ». Bientôt lui viendront ses Suites byzantines, puis Anna, demain d'autres livres.
« Avec ce récit autobiographique, Gürsel signe son plus bel ouvrage » ( Le Monde des Livres ). Un récit sans fard, émouvant et poétique, où Nedim Gürsel raconte le retour au « pays des poissons captifs », traduction littérale du nom de la ville turque de son enfance, Balýkesir. Retour aussi sur lui-même via les autres lieux où s'inscrivent son histoire et celle de sa famille, d'abord Istanbul et Paris, ses deux ports d'attache. Et retour sur son oeuvre, abondante et traduite en français. Illustré de photographies, ce texte intime et pointilliste donne de la Turquie de la seconde moitié du XXe siècle une vision de l'intérieur. Et « il fait plus pour le rapprochement entre la France et la Turquie moderne que tous les discours. » (Edmonde Charles-Roux, La Provence ).
K, histoires de crabe (crabe pour cancer), le blog que Marie-Dominique Arrighi, journaliste à France Culture puis à Libération, a tenu durant neuf mois n'appartient pas à la catégorie des témoignages éphémères. Cela tient à la lucidité et à la plume incisive de " MDA ", à sa quête de l'essentiel. Tour à tour drôle et grave, elle a su prêter sa voix mutine à la crudité de sa maladie et débusquer, au fil des jours, des questions que les femmes, et les patients, préfèrent souvent taire. MDA était une passeuse d'une curiosité insatiable. Des milliers d'internautes, parmi lesquels des membres du corps médical, ont attendu, lu et commenté ses 151 posts. Au-delà de la maladie, MDA a raconté ce monde dans lequel elle est passée. Par ce journal, où elle fait oeuvre littéraire, elle laisse la trace d'une femme libre et rebelle.
À Istanbul, l'ouverture au monde d'une enfant à travers les langues. Le judéo-espagnol et l'allemand de la mère. Le français de son père, sa langue mère. Et la langue du dehors, le turc. En exergue : «Ma langue maternelle est une langue étrangère. » (Edmond Jabès). Selon Le Monde, « un texte singulier et précieux ». Rosie Pinhas-Delpuech est traductrice de l'hébreu et du turc.
« Un très beau livre. » Colette Fellous - France Culture « Un texte singulier et précieux. » Émilie Grangeray - Le Monde
De la neige jusqu'au ventre, la dépouille d'un loup fichée sur un poteau, une classe qui prend l'eau, des briquettes de bouse séchée pour le poêle, l'hiver 2002 est rude à Sakizköy, village à flanc de montagne où débarque de l'université le jeune instituteur Azad. Il est poète, aussi. Ses vers ont été lus par un éditeur d'Istanbul qui lui suggère d'écrire la chronique de ce village proche de la Syrie et la publiera dès 2003. La voici en français, nourrie de ses lectures (Jack London, René Char...), de son humour, de ses réflexions. Elle nous ouvre à un monde archaïque et désuni. Ici un campement de nomades, là des femmes kurdes au turc hésitant, ailleurs des Yézidis fidèles à l'ange Paon, dans le ciel la guerre du Golfe qui gronde et dans la classe, bien au chaud, un élève qui s'oublie.
Des portraits de femmes sur cartes postales anciennes, souvent inédites.
« Les femmes du peuple de mon père », pour la romancière Leïla Sebbar qui, derrière chacune de ces « belles d'Afrique du Nord » vouées à la séquestration dans la maison, l'ouvroir ou le bordel, voit « une petite fille grandie trop vite ». Des femmes du réel mais aussi des fictions de femmes fabriquées par le désir de voir et de savoir du photographe occidental, enchaîne l'historienne Christelle Taraud, dont le propos détermine l'ordre des cartes postales. Et pour Jean-Michel Belorgey, qui voudrait croire que la beauté n'est jamais vraiment captive ni orpheline, c'est l'émerveillement du collectionneur de traits et de gestes, d'étoffes, de bijoux et de tatouages qui l'emporte.
Les femmes au bain, ce qu'elles racontent ? Elles disent le désir, l'amour, le plaisir comme une offrande.
On entend les mots et les chants des femmes entre elles. Savantes et illettrées, magiciennes et saltimbanques, saisonnières des vignes, conteuses. La Bien-aimée écoute les rumeurs qui exaltent l'Étranger de sang, l'amant magnifique et ses femmes. Il est en prison. Les frères de la Bien-aimée l'accusent de viol. Les femmes au bain résistent. À l'arbitraire de la tribu, à son honneur corrompu, à ses noces de sang. Elles croisent les légendes anciennes et les histoires contemporaines, réelles et imaginaires,
pour un hymne libre et joyeux aux amours illicites, saphiques, rebelles.
Brûlant de tout savoir d'Elle, François Graveline, gamin, dévora les pages que Pierre Larousse consacra au mot Femme dans son Grand Dictionnaire universel du XIXe siècle (vol. 8, 1872). Rude initiation. " Les femmes sont d'autant plus passionnées, plus lascives et plus débauchées, qu'elles vivent dans des pays plus chauds "... quand les Polonaises ont une conversation " capable d'enrhumer ". Sur les femmes arabes et noires, il lut des horreurs. Toutefois, la cause de l'égalité progressait. Et " les nations les meilleures, lui apprit Fourier, furent toujours celles qui accordèrent aux femmes le plus de liberté ". Puis le gamin buta sur de révoltantes théories. " La femme, dit ainsi Proudhon, atteint plus haut que l'homme, mais à condition d'être portée par lui. " Et de réaliser, adulte, que ces théories, ces clichés, ces horreurs avaient la peau dure. Raison de plus pour exhumer ces pages.
Des rapports, éclairants, entre la ville et ses chiens. Istanbul, où, par milliers, ils ont été raflés et envoyés à la mort sur un îlot désert de la mer de Marmara en 1910, mais aussi, en contrepoint, Paris, Londres et Baltimore. Créature impure, le chien n'en a pas moins dans l'Islam, en tout cas l'Islam turc, un statut plus ambigu. Catherine Pinguet met en évidence la cohabitation longtemps paisible des Stambouliotes avec les chiens non pas errants mais " des rues ", ainsi qu'on continue de les nommer, comme s'ils y avaient encore droit de cité.
Au-delà, pour le préfacier Jean-Michel Belorgey, elle nous invite à une " promenade anthropologique, historique et littéraire " dans la ville dont les chiens disent eux aussi la civilisation. " Un livre d'utilité publique. "
De la poésie turque, le lecteur occidental connaît l'ancienne poésie du Divan et, pour l'époque contemporaine, le grand Nâzým Hikmet. Après un premier élan avant-gardiste sous influence française, fin xixe, début XXe, c'est lui qui introduisit le vers libre, avec bientôt Orhan Veli, l'un des artisans dans les années 40 du « Premier Nouveau » :
J'étais petit, tout petit;
J'ai jeté ma ligne dans la mer ;
D'un coup grouillèrent les poissons;
J'ai vu la mer.
L'homme de la rue entrait en poésie, désormais affranchie des anciens codes. Dix ans plus tard, s'écartant de ce réalisme nu, les poètes du « Second Nouveau » firent davantage place au « moi », à l'imaginaire. En un siècle de fortes turbulences historiques, ces deux fractures ainsi que les traditions ottomanes et anatoliennes modelèrent une poésie foisonnante, multiforme, populaire. Plus que sous bien d'autres cieux, elle dit le pays et l'époque d'où elle sourd, elle est sur les lèvres, elle est vivante.
Pour Alberto Manguel, voici " un merveilleux petit livre qui pourrait prêter son titre à une possible autobiographie ", celle d'un amoureux des livres, son " alter ego ", l'écrivain turc Enis Batur.
De Ptolémée à Borges et à Manguel, d'une bibliothèque à l'autre, celle qu'il a perdue, celle qu'il recrée, celles de Londres, de Parme, de Sarajevo et d'ailleurs, celles aussi d'un petit hôtel ou d'une maison d'emprunt, Enis Batur nous entraîne à sa suite dans un dédale de réflexions : " la maison des livres ", c'est toute une histoire.